Wings – Chronique

L’aube approchait et les première du jour transperçaient de lourds nuages présents à l’horizon.
Allions nous revenir sains et saufs ? perdrais-je encore un de mes hommes ? ils sont si jeunes…pourriture de Guerre !
Aujourd’hui le survol d’Arras ne sera pas une sinécure, les fritz quadrillent le coin : il faudra être vigilant.
De toute manière cet enfer arrive à son terme… c’est bientôt fini ! tout laisse penser que l’ennemi demandera bientôt l’Armistice. Nous allons enfin pouvoir rentrer chez nous…oui rentrer.

Dernier extrait du journal de bord du Lt.Colonel Briggs tombé lors d’une mission en vol le 10 novembre 1918

Wings représente pour moi une aventure émotionnelle que j’eus la chance de vivre au côté d’un ami.
Durant tout un week-end de juin 1990, nous nous sommes relayés derrière le joystick pour en voir la fin.
Il existe des jeux qui marquent votre enfance et qui laissent une trace indélébile. Des souvenirs impérissables qui font remonter des sentiments remplis de nostalgie…Wings fait partie de cette catégorie.
Et quoi de plus normal pour un jeu signé Cinemaware, éditeur sans équivalence dans les années 90.
Rien que ce nom signifie pour toute personne ayant possédé un Amiga, un gage de qualité, des softs hors norme et exigeants.
Des jeux servis par une narration exigeante dans un univers tangible, des graphismes irréprochables peaufinés par le talentueux Jeffrey Hilbers.
Il est toujours difficile de hiérarchiser les jeux entre eux, de définir quel fut le meilleur parmi toute une production chez un même éditeur.
S’il est évident que des jeux tels que Rocket Ranger ou It Come From The Desert proposaient des scénarios plus touffus et des phases de game play plus variées, Wings de son côté me semble plus accessible que ces derniers.
Il faut aussi avouer notre niveau d’anglais de collégien n’étant pas très évolué, Wings ne requérait pas une grande connaissance des verbes irréguliers pour tout comprendre et avancer dans l’histoire.
Le seul objectif étant de survivre jusqu’à l’armistice de 1918, la linéarité de la trame scénaristique est ici un atout.

En effets les concepteurs ont sans doute voulu que Wings puisse être vécu comme une aventure humaine ; être tué en mission ne signifie pas la fin du jeu.
On forme des pilotes à l’académie, on leur attribue des caractéristiques, des noms, on les incarne durant les missions, on célèbre les victoires et on pleure leurs morts le cœur serré.
A l’instar de Cannon Fodder, votre pilote prendra du galon et gagnera en aptitudes en fonction de son tableau de chasse. A contrario, le revers de la médaille sera de faire le deuil de votre personnage suite un crash conclu par un enterrement en grande pompe.
Cette empathie envers ses hommes est renforcée avec l’ingénieuse présence du journal de bord du 56ème escadron. Il s’écrit au fil des batailles menées, on suit la vie de ses hommes, leurs réussites, leurs échecs, leurs disparitions.
La trame des évènements colle également à la réalité historique, le retrait de la Russie, l’entrée en guerre des Etats-Unis, et bien entendu la présence de Manfred Von Richthofen, le fameux Baron Rouge qui décimera un à un vos camarades.

Wings c’est de l’arcade, l’antithèse de tout simulateurs de vol.
Le bouton pour faire feu, le joystick pour se frayer un chemin entre les balles ennemies.
Du dogfight pur et dur qui évite les écueils des touches de clavier à apprendre par cœur ou du manuel à tenir sur ses genoux.
Aujourd’hui encore je trouve particulièrement astucieux d’avoir utilisé les mouvements de la tête du pilote pour permettre intuitivement la localisation de la position de l’ennemi le plus proche.
Certains développeurs se seraient débarrassé de ce détail en intégrant un bête radar dans un coin de l’écran, chez Cinemare non ! exigence du travail d’animation et de cohérence dans le gameplay (un radar en 1917 non mais allo !).
Le nombre de dégâts visibles sur votre vieux coucou est aussi à ajouter à la liste des astuces. Cela démontre que le jeu a été bien pensé en amont : pas de barre d’énergie ni points de vie, bref rien qui ne vous ferait sortir de l’action et participera à votre immersion totale.
Ajoutez à cela pour diversifier l’aventure des missions variées lors de parties en 3D :
Vol en escadrille ou seul contre tous, intervention de la DCA ennemie, ballons à dégommer, défense de votre base contre une blitzkrieg…arch, gross malheur !!!!

Un gimmick habituel que l’on retrouve dans nombre de productions chez Cinemare est ici aussi présent. Pour tenter de varier les plaisirs, deux autres type de missions qui tranchent avec la vue 3D vectorielles sont proposées :
L’attaque de convois en représentation 3D isométrique et le bombardement de bâtiments en vue du dessus.
En terme d’intensité ces deux variantes restent en dessous du dogfighting en 3D vectorielle mais elles ont l’avantage de permettre de souffler un peu. Admettons-le, on est ici plus dans le cadre du shoot-them-up, et on pourra se réjouir que l’échec de ces missions n’entraineront pas la mort de son pilote.

Indéniablement le jeu est beau, chez Cinemaware on ne mégote pas avec les graphismes et les animations : rien d’étonnant de la part d’une firme qui souhaitait s’appuyer sur des références cinématographiques.
L’audio n’est pas en reste et fut sensiblement traité avec des égards. Les musiques de Gregory Haggard et Ken Melville resteront gravées dans vos têtes. Tantôt épiques tantôt mélancoliques quand la situation l’exige, elles accompagnent avec justesse le récit du drame humain qui se déroule sur l’écran.
Quant aux bruitages percutants et réalistes ils vous feront frémir voire baisser la tête dès que les balles siffleront dans l’air.

Avec le temps Wings a peut-être perdu un peu de peps, ça ralentit dès qu’il y a beaucoup d’avions présents l’écran et le jeu pourrait vous sembler répétitif voire trop long : le jeu s’étend du 2 mars 1916 au 10 novembre 1918 à raison d’une mission tous les deux jours en moyenne.
Incontournable, Wings reste une grande aventure humaine qui vous fera vivre l’épopée de ces chevaliers du ciel durant la grande guerre.
Et je vous assure que d’en arriver à bout restera gravé dans votre cœur de gamer à tous jamais.

Graphisme : 9/10
Son : 7/10
Game play : 8/10
Difficulté : Facile

Note Globale : 8/10
Chronique complète :

Design: John Cutter, Jerry Albright, Tim Hays, Dan Pinal
Création: Robert Jacob, Phyllis Jacob
Producteur: David Riordan, Jerry Albright
Code: Tim Hays, Dan Pinal, Randy Platt
Gfx: Jeffrey Hilbers
Musiques: Gregory Haggard, Ken Melville
Sfx: Jim Simmons

Les plus :
L’ambiance immersive et le contexte historique
La simplicité des commandes qui plairont aux novices
Pas de game over, juste des frais d’obsèques
Les graphismes chatoyants qui flattent la rétine
L’attribution d’aptitudes comme dans un RPG

Les moins :
La longueur du jeu qui peut donner un sentiment de répétitivité
Le changement récurant de disquettes si vous n’avez pas de second lecteur
Les missions en 3D isométriques sont difficiles à réussir
Un contrôle un peu rigide en vol…en même temps c’est un vieux coucou pas X-Wing

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Musiques